Jeudi de la semaine passée je me rends au Cinéma Nova le plus extraordinaire lieu bruxellois http://www.nova-cinema.org/ depuis très très longtemps. Je le fréquente depuis ses premiers balbutiements tant et plus dans la cave ( avec un bar garni de produits liquides frais et bières biologiques artisanales) ainsi que dans la salle.
S’y tiens l’événement, Prima Nova, qui normalement présente des films inédits auto produits artisanalement n’entrant pas dans le cadre de programmations thématiques spécifiques. Cette fois-ci la formule est tout à fait originale dans la mesure ou les images sont totalement absentes. Plongés dans le noir quasi complet nous libérons l’oreille pour écouter un documentaire en deux parties l’Ecole Pirate’ produit par Fabienne Laumonier et Christophe Rault. Il s’agit d’une production de l’Atelier de Création Sonore Radiophonique (Bruxelles) http://www.acsr.be avec Arte Radio http://www.arteradio.com/ et la Première (Rtbf) http://www.rtbf.be/lapremiere/
En septembre 2008, Limerlé, petit village des Ardennes belges. Pédagie Nomade, premier lycée autogéré de Belgique, ouvre ses portes. Une école fondée sur l’autogestion et l’autonomie, pour redonner aux jeunes ados en décrochage l’envie d’apprendre. Les deux réalisateurs suivent la première année d’expérience du lieu. Sont observés à la fois l’éveil d’une utopie mais aussi les tensions du quotidien : enthousiasme, révoltes, coups de gueule, échecs, dérapages, tensions….
Le projet fut initié par un groupe de personnes sous la houlette d’un collectif belge d’enseignants, d’éducateurs et de chercheurs en philosophie qui travaille sur les rapports entre école et démocratie. Il poursuit depuis novembre 2005, avec le soutien de la Communauté Française, un double objectif. D’une part, explorer de l’intérieur les expériences scolaires – françaises principalement – qui mettent en place une pratique démocratique réelle entre professeurs et élèves. D’autre part, rapporter et analyser ces expériences, pour les transposer au contexte particulier de la Communauté Française et y créer une école alternative.
Tout part du postulat….’on gagne plus à faire confiance aux jeunes plutôt qu’en les sanctionnant ou les régimentant dans un milieu scolaire proche de l’univers carcéral. Cette expérience en direct donne matière à réflexion.
L’assiduité aux cours n’est pas obligatoire mais le programme scolaire doit être respecté. Le Ministère reste attentif !!! Les ados sont renvoyés sans cesse tant à leur liberté qu’à leurs obligations. Cotoyant les acteurs (élèves et profs) pendant un an la confiance accordée aux réalisateurs est entière. Les réalisateurs n’adoptent pas le regard de la militance mais cherchent à prouver que suite à une utopie des rapports humains inédits peuvent être vécus dans un nouveau cadre ouvert en termes de dialogues et d’expérience politique. Cette école ne connait d’ailleurs pas de barrières ou trop de serrures et est ouverte aussi aux visites impromptues.
Cette petite école ne compte qu’une soixantaine d’élèves. Ceux-ci sont choisis sur base d’une candidature, d’un dossier remis et défendu.
Le documentaire sonore comptait au bout d’une année de tournage 140 heures de rushes. Quelques semaines auront été nécessaires pour réaliser le montage. Plongée au cœur de la vie d’un groupe de personnes expérimentant. Proximité permanente entretenue avec les auditeurs ne devant subir ni voix off ennuyeuse ni commentaire ajouté. La démultiplication des voix rend parfois l’identification des intervenants moins aisée.
Construit chronologiquement de l’automne au printemps les saisons se font entendre. Ce milieu rural est un écrin permettant à la maturité d’éclore, à l’autonomie d’être acquise.
S’en suivit un débat durant lequel participèrent des élèves de Pédagogie Nomade, les réalisateurs, Benoît Toussaint ( le fondateur du lieu), des auditeurs. De nombreuses questions furent posées quant à l’acuité du regard porté par la Communauté Française sur cette expérience fragile in vitro. Les échanges m’ont parfois donné l’impression de me retrouver sur le plateau de l’émission l’Ecran Témoin.
Des membres d’une asbl dénonçant le redoublement scolaire ont fait circuler un pétition dans la salle. Ils ont défendu leur point de vue disant que l’arrêt d’un jeune au cours de ses études est improductif, inefficace, inhumain… Cette asbl préconise que soient ouvertes des écoles ne pratiquant pas le redoublement. C’est le cas de Pédagogie Nomade qui n’évalue l’élève ou ne le ‘sanctionne’ qu’au terme du deuxième cycle du secondaire obligations envers la Communauté Française obligent…..
Il se faisait tard. Un collègue de Radio Campus enthousiasmé par cette utopie concrétisée dans le vécu et la pratique propose de me reconduire chez moi bien qu’habitant à quelques kilomètres de ma modeste demeure. La générosité observée dans ce film sonore aura déjà fait ‘école’ quelques heures plus tard. A reproduire assurément.